Un point bleu pâle

« Interrogez mon père, il vous contera comment, peu à peu, nous avons franchi des paliers. Comment l’excitation des gelées matinales a laissé place à l’inquiétude des cycles troublés et à l’attente interminable des averses. Le murmure de l’anodin est devenu inaudible et les nuages s’évaporent en silence. La terre qui sèche, elle aussi, ne fait aucun bruit. Comme le pluviomètre de mon père. Inlassablement vide. Comme ses yeux qui s’effacent dans le reflet des modèles météos. Devenus trop rouges pour laisser percer le bleu de ses yeux. Devenus roses, violets, explorant ce spectre jamais vu. De la couleur des betteraves sur ses mains tâchées, oxydées, et qu’aucune pluie ne viendra laver.

Un point bleu pâle est une référence non dissimulée à Pale Blue Dot, une photographie de la planète Terre, prise le 14 février 1990 par la sonde Voyager 1 à une distance de plus de six milliards de kilomètres. Il s’agit, encore à ce jour, de la photographie la plus lointaine montrant la Terre.
Dans ce projet, les histoires s’entrecroisent.
Comme un besoin d’entremêler mon histoire familiale, intimement liée à l’observation météorologique, à l’Histoire du rapport humain à la Terre et aux évolutions de son climat. Comment ces deux histoires qui n’avaient aucun lien, racontent aujourd’hui une prise de conscience globale, une urgence à reconsidérer notre place sur Terre et au sein de l’univers. Ce projet croise ainsi, par allers-retours, photographies et archives réunies par mon père au cours de sa vie (relevés météorologiques, photographies de famille, journaux…), comme une ode poétique à l’observation et à la lenteur des nuages. »